CRAINTE ENFANTINE.

CRAINTE ENFANTINE.
Réservé

DIX ANS PLUS TÔT

- « Maman ! cria l'enfant, emprisonnée dans sa cage de fer.
- N'ais pas peur Jenny. »

La grande roue s'était immobilisée pour laisser monter de nouveaux participants. Cette attraction sans grand intérêt avait pourtant attiré l'attention de la fille Queen. Après une longue réticence, la mère de Jen' avait accepté de laisser son enfant monter dans une cabine, en compagnie d'une amie. Pourtant, arrivée là-haut, Jenny commençait à se sentir mal et l'arrêt du manège la terrorrisa. Après être descendue en pleurs, la petite irlandaise ne pénétra plus jamais dans une grande roue, en restant plus à proximité du tir à la carabine et autres jeux plus près du sol...

2008, New York City, 6:00 am

Ce matin-là, le réveil sonna dans un appartement de N.Y.C. pour éveiller furtivement un corps féminin, entrelacé dans ses draps. Un froncement de sourcils traduisit l'agacement de l'individu, allongée sur son lit et vêtue d'une simple nuisette de couleur chaude. Le bras las, elle arrêta l'horloge, qui tremblait par secousses régulières sur la table de nuit. Après quelques minutes d'éveil, Jenny se dressa et évolua dans la pièce sombre. Machinalement, la petite blonde se procura des sous-vêtements propres et des habits légers au sein de l'immense armoire de bois vernis. De sa démarche féline habituelle, la gracieuse Queen gagna la salle de bains pour y rester enfermée une bonne petite heure.
A la suite de cette longue toilette, la jeune femme quitta la pièce humide pour progresser, d'un pas décidé, en direction de la cuisine. Une jupe courte découvrait ses fines cuisses et un top sombre dessinait ses formes généreuses. Regroupée par une mince couette pour éviter qu'elle ne coule sur ses épaules nues, sa chevelure dorée se mouvait au rythme de la marche énergique de Jen'. Queen prit possession d'une pomme et une barre de céréales avant de s'extirper de son logis en direction du centre de la ville.
Sur le trottoir goudronné, Jenny évoluait en trottinant d'une allure régulière. Son souffle chaud formait de légers nuages qui disparaissaient aussitôt et sa poitrine se soulevait au rythme de sa respiration. Les personnes qui se promenaient de droite à gauche sur la largeur de la voie piétonne agaçaient la belle irlandaise qui s’impatientait en dessinant d’étranges courbes entre eux. Une demi-heure de marche lui suffirent à arriver au parc d'attraction. La vue de la grande roue procura des frissons à la jeune femme qui s'immobilisa pour observer le monde qui se mouvait entre les attractions animées.
Une légère hésitation puis Jenny Queen gagna la fête forraine. Les talons de celle-ci s'enfonçaient légèrement dans le gravier qui couvrait les allées. Mal à l'aise, la petite blonde évoluait dans le parc, en évitant, par tout hasard la grande roue. Pourtant, la musique de ce monstre tournant par cycles réguliers, ne pouvait qu'hanter l'esprit de Jen' qui se résigna à retourner sur ce lieu qu'elle fuyait depuis déjà des années. Jenny parcourait de ses yeux, soulignés d'un léger maquillage sombre, l'objet de ses craintes enfantines.
Tout à coup, son attention fut attirée par une toute autre chose. En effet, une silhouette, connue des yeux de notre héroïne, avançait en direction de la grande roue. Une personne qui n'était donc pas inconnue à Jenny, plus précisément, la jeune Alexia Cooper. Cette fille devait être celle à laquelle Jen' portait le moins d'estime dans toute la ville. Ces deux femmes se dédaignaient depuis déjà des années, camarades de classe. Jamais, elles n'ont pu se supporter. Personne n'ignore que ces deux-là se haïssent au plus haut point et d'ailleurs, personne ne s'interposerait lors de leurs violentes disputes. Dès qu'elles se trouvent à proximité l'une de l'autre, cela faisait des étincelles. Nouvelle querelle ?
Un sourire mesquin, tirant dans le sadisme, se dessina sur les lèvres de Jenny, impatiente de pouvoir adresser la parole à son ennemie jurée.

Alexia s'était réveillée bien plus tôt que d'habitude, vers cinq heures du matin, dérangée par des bruits incessants provenant de l'appartement au-dessus. Étant d'un naturel susceptible et rancunier la jeune fille prit évidemment les devant elle était montée à l'étage et avait bien fait comprendre aux habitants sa façon de penser. Puis elle était redescendue assez fière d'elle, un sourire narquois accroché au visage.
La jeune brune, ne sachant pas quoi faire à cette heure avancée de la matinée, s'affala dans son canapé les yeux rivés sur le plafond blanc. Elle se mit à repenser à son passé, sa mère qui avait l'habitude, vers six heures du matin avant de l'emmener à l'école, de lui préparer son petit déjeuner. L'odeur du chocolat chaud s'engouffrait alors dans toutes les pièces de la maison et réveillait en douceur le reste de la famille qui dormait alors à points fermés. Alexia se souvient aussi du dégout qu'elle éprouvait à manger à la même table que son propre père, lui qui n'avait jamais su l'aimer, qui ne l'avait jamais pris dans ses bras, elle revoit aussi son frère jumeaux assis à la table, racontant sa vie au collège, ses bonnes notes et les congratulations de ses professeurs. Que de répugnance... L'acidité de ces souvenirs perdus lui fit monter les larmes aux yeux. Une de celle-ci s'échappa et fila le long de sa joue pour s'engouffrer au creux du coup de la jeune fille la faisant frissonner. Elle ferma les yeux et chassa toutes réminiscences désagréables de sa tête.
Dans un regain d'énergie Alexia et prépara enfin son petit-déjeuner, chocolat et tartines de beurre, comme toujours. Puis elle se lava et s'habilla de la plus simple façon qu'il puisse être, un jean, un tee-shirt et ses vielles converses noires usées. Dehors, la brise légère rafraîchissait l'air et Alexia sentit tout d'un coup toutes ses idées revenir en place. Elle retrouva alors son aisance habituelle et son petit sourire mystérieux au coin des lèvres. Ses pas raisonnait sur le bitume froid, il n'y avait quasiment personne et les magasins commençait à peine à ouvrir. Le commerçant furent étonnés de voir la jeune adolescente les saluer tout sourire mais s'obligèrent à lui répondre, de façon hypocrite cela va de soit.
Après dix minutes de marche continue, Alexia décida de faire un tour à la fête foraine pour se distraire quelque peu. La jeune brune prit le temps d'aller s'acheter un jus d'orange et une énorme barbapapa à un petit vendeur ambulant. C'était une sorte de rituel depuis qu'elle avait dix ans, pourtant elle savait bien que cette espèce d'énorme mousse rose lui déclenchait d'horrible mal de ventre et qu'il lui était ensuite impossible d'aligner deux pas sans se tordre de douleur, mais elle s'en fichait, elle était heureuse. Son enthousiasme fut, pourtant bousculé par l'arrivée de sa pire ennemie, j'ai nommé Jenny Queen. Elles se connaissaient depuis l'école élémentaire sans avoir pu, jamais, se parler respectueusement. La jeune brune arqua un sourcil et se demanda alors comment leur prochaine rencontre allait se dérouler. Elle ne bougea pas d'un centimètre, fixant la grande blonde arrogante, attendant que celle-ci daigne faire un pas vers elle pour engager la future conversation "destructrice".